À point nommé [ft. Teresa]

Deux semaines. Voilà deux longues semaines qu'elle errait dans les quartiers de Goldtown depuis sa chute à Denver lorsque les immeubles du W.C.K.D se sont tous écroulés. Deux semaines qu'elle était perdue et ne savait pas où aller, deux semaines où elle cherchait désespéramment Thomas, Newt, Minho et les autres, bien que ce dernier souhaiterait certainement la tuer après ce qu'il s'était passé. Où étaient-ils ? Qu'était-il arrivé ? Était-ce l'organisation qui l'avait sauvée ? Comment était-elle atterrie dans cette ville étrange, où aucune apocalypse et aucun virus ne circulait. Tant de questions qui demeuraient encore sans réponses. C'était comme s'il n'y avait jamais eu d'éruptions solaires dans cette partie de l'Amérique. C'était un mystère qu'elle devra résoudre.

Ce fut aux alentours de midi, sous une chaleur imposante et étouffante, que la jeune femme se baladait dans un quartier bondé et plutôt huppé. Marchant sans but précis, elle admirait les buildings et les larges allées comme une petite fille émerveillée. C'était bien la première fois qu'elle voyait autant de monde. Ici, pas de terre brûlée, pas d'hommes armés ni de fondus. Était-elle tombée sur un refuge dont parlait tant les membres du Bras-Droit ?

Curieuse et assoiffée, elle s'arrêta un instant près de la rambarde d'un énorme pont situé entre deux bâtiments. Croisant trois hommes, elle les interpella. « Excusez-moi, pouvez-vous me dire où nous sommes ? » Les inconnus lui rirent au nez, pensant sûrement qu'elle était folle ou bien alcoolisée. Ils en profitèrent donc pour se moquer et la taquiner jusqu'à la pousser sans ménagement. « Laissez-moi ! » Affaiblie et sans défense, elle n'avait que ses poings pour riposter, autant dire que cela était loin d'être suffisant. Mais bon sang, qu'est-ce qu'ils lui voulaient ?

Se débattant tant bien que mal, Teresa finit par reculer encore et encore, jusqu'à ce que son dos se colle complètement contre la rambarde. Il ne fallut qu'une poussée de plus pour qu'elle bascule et tombe dans le vide. Ces imbéciles voulurent la rattraper par le bras mais il était déjà trop tard. Plongée dans les airs, elle revit ses vieux souvenirs. Une seconde fois, elle revoyait sa chute lorsque le quartier général où elle se trouvait jadis avait été heurté par l'effondrement d'un bâtiment en raison des attaques des rebelles.

C'était comme si tout recommençait à nouveau. Était-ce une punition de l'organisation qui la faisait revivre sans cesse cet instant ? Mais même en sachant cette partie de l'histoire, elle aurait tout de même agi exactement de la sorte. Car se sacrifier pour sauver son meilleur ami, cela avait été une excellente décision. Sauf que cette fois-ci, pas d'immeubles plongés dans les flammes ni de rebelles, mais une foule de personnes qui pour la plupart, n'avait même pas remarqué son altercation avec les trois jeunes hommes. Ici, c'était donc chacun pour soi. Personne n'avait daigné l'aider contre la menace qui l'avait faite basculer dans le vide. Et de là, plus rien.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle était allongée sur une masse de feuillage, à l'abri de tous les regards. Où était-elle ? Que s'était-il passé ? Était-ce un mirage ? Un simple rêve qui l'avait laissée inconsciente durant quelques secondes ? En tournant la tête sur le côté, la jeune femme vit un vieil homme aux cheveux légèrement ondulés sur les points, possédant une barbe grisâtre, vêtu d'un grand chapeau et de longs habits poussiéreux. Il ressemblait à un magicien, avec le peu d'informations qu'on lui avait déjà raconté à propos des légendes et des histoires pour enfants. Il était étrange et curieux. « Qui êtes-vous ? » L'observant plus en détails, Teresa ne comprenait pas pourquoi l'inconnu avait un tel accoutrement.

Déviant son regard glacial et bleuté en hauteur, elle s'attarda un instant sur le pont duquel elle venait quelques demi-secondes auparavant. Comment était-ce possible ? Elle était persuadée qu'on venait de la pousser de là-haut. « Qu'est-ce que... » Montrant le pont du doigt, elle afficha une expression d'incompréhension à l'égard du passant. « Pouvez-vous m'expliquer ce que je fais là ? » Désorientée, la brune ne savait plus quoi faire. Devait-elle faire confiance à ce parfait inconnu sorti de nulle part et l'écouter ou devait-elle s'enfuir en courant et faire comme si rien ne s'était passé ? C'était à ce moment précis qu'elle aurait aimé être en compagnie de ses amis.

Gandalf, quel drôle de nom. Le plus étrange était qu'il venait de présenter à la suite son fidèle compagnon, un cheval à la robe grise. C'était bien la première fois depuis longtemps qu'elle croisait un animal. Quand était-ce la dernière fois ? À sa mémoire, elle avait seulement dû apercevoir un ou deux chiens errants lorsqu'elle était enfant et vagabondant encore sur la terre brûlée à cause des éruptions solaires. Quoiqu'il en soit, ce bonhomme n'avait pas l'air bien net. Plus bizarre encore lorsqu'il lui affirma qu'elle venait bel et bien du pont suspendu à plusieurs mètres de haut. Sérieusement ?

La jeune femme se résigna néanmoins à attraper le bras du vieillard afin de se relever. Elle s'installa alors sur le banc en bois non loin de là, réfléchissant toujours à une explication plus plausible. Le regard dans le vide, elle le releva vers l'inconnu que plusieurs longues secondes plus tard, se pinçant par la même occasion comme pour s'assurer qu'elle était bien éveillée et non pas dans un rêve empli de non-sens. « Êtes-vous ivre ? » C'était la seule raison qui lui vint à l'esprit. C'était impossible que la brune ne ressort de là-haut sans aucune égratignure. D'ailleurs, Teresa se mit à vérifier sa peau, ses bras, son ventre, ses jambes, à la recherche de la moindre ecchymose.

Rien du tout. C'était donc l'homme au chapeau qui déraillait complètement. Elle n'était pas mouillée alors elle n'était pas tombée non plus dans l'eau après sa chute. L'avait-on droguée pour lui donner l'impression d'avoir eu des hallucinations ? Cela en devenait incompréhensible. Mais maintenant qu'elle était là, autant rester quelques instants pour discuter avec ce monsieur déguisé en sorcier.

Croisant les bras contre sa poitrine d'un air interrogateur, l'humaine se tourna donc vers son interlocuteur. « J'espère que vous ne m'avez pas donnée votre herbe. » Haussant les sourcils, elle continua ses questions. « Si j'étais sur le pont comme vous le prétendez, pouvez-vous me dire ce que je fais là ? » Elle pourrait également lui demander s'il avait pour tout hasard aperçu un brun accompagné d'un asiatique baraqué et d'un blondinet gringalet mais avec une aussi grande ville, cela était peu probable.

Surnaturel ? Avait-elle bien entendu ? Cet homme âgé était donc bel et bien fou à lier. D'ailleurs, il avait dû remarquer la réaction de la brune puisqu'il rétorqua rapidement qu'il avait encore des explications à lui fournir avant qu'elle ne prenne les jambes à son cou. Mais il ne lui en fallut pas plus pour se lever d'un bond, prête à s'enfuir en courant s'il le fallait. Désormais à quelques mètres du banc où ils étaient installés quelques secondes plus tôt, elle s'arrêta net, comme horrifiée. D'où provenait cette voix qui résonnait soudainement dans sa tête ? Comment avait-il fait ? Désorientée, l'humaine se retourna vers l'étranger, ne comprenant strictement rien à la situation.

Elle qui était d'ordinaire si calme et rationnelle, perdit son sang froid. « Arrêtez ! Sortez de ma tête. Qu'est-ce que vous m'avez fait ? » Quel secret cachait Gandalf ? Prise de tremblements, de peur, et d'incompréhension, la jeune femme était toutefois incapable de rebrousser chemin afin de détaler à toute vitesse. Cherchant le moindre réconfort ou le moindre éclaircissement même minime, elle se résigna à se rasseoir sur les planches de bois.

Tandis que l'homme aux habits inhabituels lui parlait sagement, Teresa se calma légèrement, presque envahie d'un sentiment plus rassurant et chaleureux. Et puis après tout, cet habitant n'avait pas l'air méchant ni dangereux aux premiers abords. Depuis tout à l'heure elle l'envoyait bouler comme une vieille chaussette, alors qu'en réalité, c'était peut-être lui son sauveur. « Teresa. Je m'appelle Teresa. » C'était d'une voix hésitante qu'elle répondit à ses questions. « Je viens d'un endroit où personne n'apprécierait y mettre les pieds. Avant d'atterrir ici j'étais au quartier général du... Peu importe. Expliquez-moi ce qu'il vient de se passer. Je ne comprends pas. Pourquoi étiez-vous dans ce parc ? » Allait-il enfin lui dire ce qu'elle fichait réellement ici ? Si seulement Thomas était là.

En simple balade à cheval ? Quel genre d'individu se promenait en pleine ville avec une monture de la sorte ? De plus en plus étrange. N'ayant jamais vu cela auparavant, la jeune femme ne comprenait pas comment fonctionnait cette région de l'Amérique du Nord. C'était tout l'opposé du lieu auquel elle avait été envoyée avant. Le monde qu'elle et ses amis avaient découvert à l'extérieur du Labyrinthe avait été ravagé par l'apocalypse. Leur périple les avait amenés à la Terre Brûlée, un paysage de désolation rempli d'obstacles inimaginables. Plus de gouvernement, plus d'ordre et des hordes de gens, dont la peau avait été abîmée par les éruptions solaires, en proie à une folie meurtrière, erraient dans le désert et les villages en ruine. Alors passer d'un terrain dévasté et vide à une immense ville moderne et bondée était assez déroutant.

Gandalf fit le curieux en lui demandant de poursuivre son récit. D'une voix tremblante et hésitante, elle souhaita commencer à lui parler du labyrinthe mais un bruit suspect l'empêcha d'émettre le moindre mot. Tournant la tête en direction d'un buisson avoisinant de leur emplacement, la brune pensa que cela pouvait être un humain. « Qui est là ? » Se levant du banc boisé, Teresa s'approcha lentement de la source du bruit. Était-ce un homme ou un animal ?

Prise de surprise, elle poussa un léger cri. Soudainement, son esprit se remémora un sombre souvenir, où elle était dans un centre commercial, poursuivie par des fondus qui ne pensaient qu'à les mordre, tels des zombies affamés. Mais ici, elle ne savait pas encore qu'il n'y avait rien de tout cela et qu'il y avait bien moins de menaces bien qu'elle ignorait encore l'existence des êtres surnaturels. Mais après tout, ils ne pouvaient pas être aussi ignobles que ces hommes et ces femmes infectés par la Braise.